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Stop aux focus groups !

13 April 2023

Arrêtons d’utiliser les focus groups pour une démarche exploratoire. Cette méthode d’écoute du consommateur est tellement bourrée de biais qu’elle ne peut apporter des résultats que partiellement intéressants pour l’entreprise. 

Il existe 2 séries de biais qui faussent l’intérêt du focus group: les biais à imputer aux participants (bien malgré eux), ceux à imputer aux chercheurs (l’animateur du groupe, et l’équipe commanditaire de l’étude, souvent le marketing).

 

Les biais côté participants:

Les participants se retrouvent dans un groupe d’inconnus, dans une pièce qu’ils ne connaissent pas et qui peut être intimidante, ils doivent répondre à des questions ou donner leur avis sur des sujets qu’ils maîtrisent plus ou moins, et ils vont répondre à une personne qui peut être perçue en posture d’autorité.

 

Le contexte du focus group introduit des biais (photo by Christina-wocintechchat.com via unsplash)

Rien que dans la mise en contexte, on pressent les problématiques liées à cette dynamique de groupe:

🚨 Les différences de personnalité vont pousser certains participants à adopter des positions fortes, tranchées, vont imposer leur point de vue. Les profils plus discrets auront plus de mal à oser exprimer leurs idées, surtout s’ils ont des avis divergents. Et même si l’animateur a un talent pour gérer le groupe, il lui sera difficile d’aller écouter et recueillir les avis dissidents des personnalités moins vocales.

Par ailleurs, plusieurs études ont démontré la puissance de l’influence du groupe sur l’individu, au point qu’il peut en arriver à douter de ses propres connaissances. On n’en est pas là dans un focus group, mais cette pression d’influence joue un grand rôle dans la direction souvent consensuelle que prend le groupe durant le test.

🥇 Le biais de conformité sociale: les participants peuvent ressentir une pression sociale, le risque de se sentir jugés par le reste du groupe et par l’animateur. Ils vont avoir tendance à donner des réponses qu’ils estiment acceptables par le groupe et l’animateur, dans le contexte de la discussion ou selon leurs normes sociales.

🎤 Un biais inhérent au déclaratif: quand les gens décrivent une expérience, ils laissent souvent une partie de côté, volontairement (cf le point précédent) ou involontairement. Ils ne sont pas forcément capables de décrire précisément les étapes d’une routine ou des raisons d’un achat en dehors du contexte.

🚧 Le groupe produit aussi un biais de perception : Les participants peuvent avoir des perceptions différentes de la réalité et peuvent interpréter les questions, les informations ou les stimuli en particulier sur des thèmes subjectifs, ce qui peut influencer leurs réponses et biaiser les résultats.

💚 Enfin, le biais de désirabilité : les participants peuvent être tentés de faire plaisir au chercheur, d’aller dans le sens de ses attentes, de donner des réponses ou des idées dont ils devinent qu’elles seront accueillies positivement. Il suffit d’un sourcil relevé, d’une question légèrement orientée, pour influencer profondément les résultats. Ce biais est d’autant plus fort si les participants savent qu’ils recevront une compensation.

Les biais côté chercheur:

🔎 Le deuxième type de biais concerne le chercheur : Les chercheurs peuvent influencer involontairement les résultats en posant des questions suggestives, en montrant des biais personnels dans leur interprétation des données ou en guidant les discussions de manière à obtenir des résultats conformes à leurs hypothèses ou à leurs attentes.

Le biais du chercheur est encore plus prononcé si l’animateur du groupe ne connait pas parfaitement le domaine d’activité ou le sujet dont il est question, le type de produits, la concurrence, le niveau de maîtrise nécessaire pour expliquer un comportement de client, etc. Il peut avoir tendance à sous-évaluer ou sur-interpréter certaines informations, parce qu’il ignore leur importance relative et leur pertinence par rapport à l’étude en cours. C’est particulièrement vrai dans les recherches d’insights d’anticipation ou de signaux faibles.

👌 Et enfin le biais de confirmation, qui va influencer l’animateur et les commanditaires de l’étude: on entend plus facilement les informations qui confirment les opinions et hypothèses que nous avons déjà, plutôt que les données qui les contredisent. Les chercheurs auront tendance à interpréter les informations de manière à confirmer leurs attentes ou leurs convictions. Ce biais peut se retrouver à tous les stades de l’étude: recrutement des participants, conception de l’étude, interprétation des données, analyse et rapport des résultats.

Bref, vous avez compris mon avis: le focus group est un moyen tout à fait limité pour aider à comprendre nos clients et usagers.

On fait comment, alors ?

Il n’y a aucune méthode qui garantisse 100% de neutralité et zéro biais, ça c’est une certitude.

Mais on peut essayer de maximiser l’une et de minimiser l’autre en utilisant d’autres méthodes pour écouter les clients en mode exploratoire, en particulier une que j’utilise avec mes clients, startups ou corporate: l’observation ethnographique.

Il s’agit de mettre en application le principe “Get out of the building” de Steve Blank, pour aller à la rencontre des clients dans leur vie réelle: entrevue individuelle chez les participants, client mystère, shadowing, etc .

 

Photo by Glen Carrie on Unsplash

Pousser les équipes de design, d’ingénieurs, marketing, à sortir de leur bureau et à rencontrer des clients dans leur environnement, in situ, sans oublier de les faire accompagner par des professionnels qui sauront limiter les biais et interpréter les données et les observations. Le mot clé, c’est l’observation: c’est la méthode qui génère le moins de biais, chez l’interviewé et chez l’intervieweur.

Cette méthode a un double bénéfice: on supprime naturellement un certain nombre de biais, en touchant à l’essence de l’expérience du consommateur; et on est capable en observant, en accompagnant les clients, de voir ce qu’ils font et ce qu’ils ne font pas, les raccourcis, les contournements, et de détecter des idées qui sont autant de réservoirs d’amélioration des produits existants et d’innovation pour des produits futurs.

Et vous, ça se passe comment dans votre entreprise quand vous devez prendre le pouls de votre client ?

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Hi, I am Isabelle

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I spent more than 20 years working in highly innovative and international environments at Ubisoft, L'Oréal, and startups in Canada and Europe. My fields of experience are in international marketing, brand & product development, research in consumer psychology, and for the last 10 years, innovation methodologies.
I left the corporate world to become a consultant for startups and SMEs in Montréal in 2015, and now operate in Europe, based in the Netherlands. I specialize in business model innovation, lean startup workflow, corporate culture of innovation, executive coaching.
In this blog, I write about innovation, entrepreneurship, and what inspires me in the future world that is being built by the new generations of entrepreneurs and intrapreneurs.

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